Je peux être… Barbie?

Attention ! Présence de divulgâcheurs sur le film Barbie sorti le 21 juillet 2023

«Barbie est toutes ces femmes. Et toutes ces femmes sont Barbie.»


Comme plusieurs autres personnes ayant vu la bande-annonce, je me suis présentée au cinéma en pensant aller voir un film un peu drôle et nostalgique sur cette fameuse poupée qui m’a accompagnée durant la majorité de mon enfance. J’étais loin de croire que j’allais sortir de la représentation avec les yeux bien mouillés et mon cœur d’enfant un peu plus réparé.

Si tu n’as pas vu le film, je t’invite à t’arrêter ici dans ta lecture et attendre de l’avoir visionné pour continuer. Tu peux même t’y préparer en t’informant sur les termes suivants : Féminisme, patriarcat, fascisme, « mansplaining », charge mentale, misogynie, capitalisme, « gaslighting », « slut-shaming », masculinité toxique …

Cet article de blogue n’est pas une critique complète sur le film et ses nombreux messages subliminaux mais plutôt, un écrit sur l’un de ces messages soit la beauté de l’acceptation de soi.

Tout d’abord, ce qui est le plus marquant, c’est le monologue de l’actrice America Ferrera, qui joue le rôle de la mère humaine, il met en lumière certains paradoxes que l’on attend de nous dans la société d’aujourd’hui et d’hier. Les contradictions et les idéaux perfectionnistes auxquels nous sommes confronté.e.s au quotidien et qui ont inévitablement comme effet de douter de soi.

« C’est littéralement impossible d’être une femme. Tu es tellement belle et tellement intelligente, et ça me tue que tu penses ne pas être assez. Comme si nous devions toujours être extraordinaire mais d’une manière ou d’une autre, nous le faisons toujours de la mauvaise façon. Il faut être mince, mais pas trop, et on ne peut jamais dire que l’on veut être mince. Il faut dire que l’on veut être en bonne santé. Il faut avoir de l’argent, mais ne pas en demander, car c’est grossier. Il faut avoir de l’ambition, mais il ne faut pas être méchante. Tu dois diriger, mais tu ne dois pas écraser les idées des autres. Tu es censée aimer être mère, mais ne pas parler de tes enfants tout le temps. Tu as besoin d’être carriériste, mais toujours faire attention aux autres. Tu dois répondre de la mauvaise conduite des hommes, ce qui est insensé, mais si tu la pointe du doigt, on t’accuse de te plaindre. Tu es censée rester belle pour les hommes, mais pas trop pour ne pas les tenter trop ou ne pas menacer les autres femmes parce que tu dois faire partie de la solidarité féminine. Mais toujours sortir du lot et toujours être reconnaissante. Mais ne jamais oublié que le système est corrompu. Alors trouve une façon de le réaliser et d’en être reconnaissante. Tu ne dois pas vieillir, ne pas être grossière, ne pas te vanter, ne jamais être égoïste, ne jamais s’écrouler, ne pas vivre d’échec, ne pas montrer que l’on a peur, ne pas sortir du lot. C’est trop difficile ! Trop contradictoire et personne ne te donne de médaille ou te dit merci. »1.

Il est, effectivement, difficile de s’accepter quand ce qui est défini comme étant acceptable est inatteignable. Cette pression constante peut engendrer une foule d’émotions négatives. C’est d’ailleurs celles-ci qui motivent Gloria (la mère humaine) à dessiner une nouvelle version de Barbie soit : Barbie pensées morbides, Barbie anxiété, Barbie cellulite etc. Le monologue servi avec intensité par l’actrice, est un message à entendre et à prendre en considération afin de se défaire de cette pression. En étant plus conscient.e, il est plus facile de la dénoncer et de se défaire des attentes que notre société peut nous imposer.

Ensuite dans ce film, signé entre autres par Mattel (compagnie qui a inventé Barbie), on met de l’avant la raison pour laquelle Barbie a été créée à la fin des années 50. Soit celle d’inspirer les jeunes filles à devenir autre chose que des mères, puisqu’un des seuls jouets disponibles à l’époque était la poupée poupon. Barbie n’a jamais été destinée à instaurer un idéal de beauté pourtant c’est ce qu’elle est devenue, c’est ce que nous avons fait d’elle. Au fil du temps, la Barbie est devenue son apparence et non son message ainsi que ses divers métiers (pompière, autrice, médecin, astronaute, présidente …). Non pas que la poupée ne devrait pas se renouveler et être davantage inclusive, cela reste un concept important. Mais le rappel fait par la compagnie, nous démontre à quel point nous sommes centré.e.s sur les apparences et la compétition incessante de toujours « être mieux ».

L’angoisse ressentie par plusieurs devant les images parfaites, entre autres sur les réseaux sociaux, est assez présente et commune au sein de la population. Il y aura toujours une personne avec un plus beau nez, des dents plus blanches, un meilleur salaire, etc. Baser sa valeur sur son apparence et en faire son identité, nous mène dans un combat où l’on se retrouve nécessairement perdant.e. L’importance de la connaissance de soi dans le processus d’acceptation de soi est mise en évidence dans une scène vers la fin du film où Barbie rappelle à Ken qu’il est plus que ce pourquoi il a été créé, que son métier, que son apparence et qu’apprendre à se connaitre est une des clés du bonheur.

Et finalement, c’est dans cette quête que Barbie se lance à la toute fin, motivée par le désir de vivre les aléas de la vie plutôt que seulement être ce pourquoi elle a été créée, soit d’être la Barbie Stéréotype. Est-ce un message de Mattel pour nous faire comprendre que même la dite «perfection» ne rend pas heureux.se ? Enfant, nous faisons vivre Barbie en espérant probablement un jour vivre comme elle, sauf que la réalité est bien plus complexe qu’une simple idée, et la recherche de cet idéal devient éventuellement un fardeau que nous ne pouvons pas atteindre. Répondre aux standards ne fait pas de nous des personnes nécessairement heureux.ses si on s’éloigne de nos envies et la personne que nous sommes réellement. C’est probablement le sentiment de ne pas être assez qui pousse Barbie à choisir l’imperfection à la quête de la perfection.

En terminant, ce film suscite bien des réactions, il faut comprendre que c’est tout à fait normal. Dépendamment du niveau de conscience des divers enjeux discutés, ils engendrent généralement 3 réactions, soit la confrontation, la réalisation ou l’apaisement. C’est confrontant souvent parce qu’on n’a pas conscience de ce qui nous entoure ou de nos propres actions, ça fait réaliser parce qu’on y croyait plus ou moins peut-être même qu’on ne connaissait pas l’ampleur et c’est apaisant quand on met des «mots sur nos maux» (Petit clin d’œil à la citation préférée de notre porte-parole Jean-Marie Lapointe). C’est doux parce qu’on met en lumière ce que l’on vit tout bas et souvent bien individuellement. C’est libérateur parce qu’on réalise que nous ne sommes pas seul.e.s et qu’en plus, si on se met ensemble on peut arriver à changer les choses.

Certain.e.s diront peut-être que Mattel a réussi son coup de publicité, iels ont raison. Ne vous laissez pas aveugler par cette réalité puisque ce coup de publicité dénonce quand même plusieurs enjeux qui touchent une majorité de personnes. Et c’est cela qu’on devrait dénoncer haut et fort, tout le monde ensemble.


Sarah Turbide, intervenante sociale à la Maison l’Éclaircie

Aide à la rédaction : Florence Renaud, bénévole

  1. https://seayouson.com/2023/07/19/monologue-america-ferrera-film-barbie/#:~:text=L’incroyable%20monologue%20d’America%20Ferrera&text=%C2%AB%20C’est%20litt%C3%A9ralement%20impossible%20d,%2C%20car%20c’est%20grossier ↩︎

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