
Je te demande d’arrêter de parler de mon corps. De commenter mon physique. De la présence de mes courbes ou de leur absence.
Je trouve ça aberrant à quel point on se sent à l’aise de parler du physique des gens. C’est normal de le faire, on s’en permet. Comme si l’image qu’on renvoi aux autres appartient à la place publique. Du genre « voici mon corps, tu peux me le dire s’il n’est pas à ton goût. »
J’ai vraiment envie de dire que les commentaires sur les pertes de poids, c’est non. C’est assez tordu qu’on félicite quelqu’un pour sa perte de poids sans connaître l’histoire associée. Sur les prises de poids aussi !
J’comprends bien que tu ne le veuilles pas déplacé ni méchant ton commentaire. Que tu le veux même comme un compliment ou que tu le dis par envie. Même à ça, c’est déplacé, merci. C’est déplacé, même quand tu commentes le poids de quelqu’un d’autre en ma présence. Même une célébrité. Pourquoi tu mises juste sur ça au fait ?
As-tu déjà pensé que si je n’étais pas dans une bonne position par rapport à mon image corporelle, que ça a peut-être réveillé ou nourri quelque chose en moi ? Renforcé un discours intérieur malsain que j’entretenais par moi-même bien avant ton commentaire ?
Les commentaires sur le poids, c’est non. Parce qu’on s’en souvient pendant tellement longtemps. Ça reste marqué en nous. On s’en souvient que matante Carole au party de Noël nous a dit qu’on devait faire attention à notre ligne et ne pas nous resservir deux fois. On s’en souvient très bien qu’on s’est fait dire qu’on n’avait pas de forme.
Ne commente juste pas mon corps s’il-te-plaît. Je ne te l’ai pas demandé. Peut-être que je désire prendre ou bien perdre du poids et ce, peu importe le poids que j’ai. Tu ne le sais pas. Ne commente pas non plus le poids d’un enfant. Parce que, pour eux aussi, ça reste gravé. Emploie d’autres mots que « la grande échalotte » ou bien « la belle toutoune ». Mise sur ce que son corps peut accomplir et non sur ce à quoi il a l’air.
Et s’il m’arrive de commenter mon poids à moi, tu peux me recadrer. Dis-moi des compliments qui ne sont pas physiques. C’est ça qui est aidant. Dis-moi que je suis brillante, que je suis généreuse, que je suis bonne au piano. Dis-moi que j’ai un grand cœur ou que je suis une bonne amie.
Je rêve du jour où on pourra Être dans notre corps sans craindre des commentaires déplacés. Même pas les nôtres …
Jeanne, doctorante en psychologie à l’Université Laval