Lors d’un souper entre ami·es, la discussion a dévié, comme souvent, sur Occupation Double. En tant que bonne féministe, j’ai rapidement orienté la conversation vers le regard porté sur le corps des femmes, la manière dont les caméras s’attardent sur leur apparence, les discours qui en découlent, et plus largement, la représentation des femmes dans les médias. J’ai parlé des portraits de début de saison, de certains commentaires des hommes de l’émission, et de la façon dont ces dynamiques participent à l’objectification et à la sexualisation des femmes. Puis, à ma grande surprise, un ami m’a interrompue : « Oui, mais as-tu remarqué comment les gars sont aussi sexualisés et objectifiés cette année ? »
Je me suis sentie un peu prise de court. Bien sûr, je sais que la sexualisation ne touche pas que les femmes, mais c’est rarement mon premier réflexe d’y réfléchir. Spontanément, je m’étais tournée vers la défense des femmes, vers l’analyse du sexisme systémique, vers nos corps constamment scrutés et commentés. Par contre, je me suis vite vue confrontée à la sexualisation et l’objectification qui affectent aussi les hommes.
Cette conversation m’a donc poussée à creuser le sujet, à me renseigner, et à réfléchir avec vous à cet enjeu. Cet article propose d’aborder la sexualisation et l’objectification non seulement des femmes, mais aussi des hommes. Et pour clarifier, je ne commenterai pas les comportements précis des participant·es d’Occupation Double. Ce sont des humains derrière nos écrans, et il faut les respecter.
Bien que les mots sexualisation et objectification soient souvent utilisés comme synonymes, ils ne désignent pas la même chose. La sexualisation fait référence à l’attention portée à l’apparence physique ou à la supposée « disponibilité sexuelle » d’une personne. L’objectification, quant à elle, consiste à réduire cette personne à un objet de désir, à la percevoir non pas comme un individu, mais comme un corps.
Ces deux phénomènes sont omniprésents dans notre culture médiatique : publicités, réseaux sociaux, téléréalité, cinéma… Les corps que l’on nous présente sont idéalisés, stéréotypés et, bien souvent, inatteignables. Ces représentations ont des conséquences bien réelles : honte corporelle, anxiété liée à l’apparence, troubles alimentaires et autres enjeux de santé mentale. Elles peuvent aussi nous amener à nous percevoir, et pas seulement notre corps, comme un objet, à oublier nos intérêts, nos désirs, nos aptitudes, et cela finit par miner l’estime de soi.
Chez les hommes et les garçons en particulier, on observe une pression croissante autour du développement musculaire et de la masse corporelle. À travers la sexualisation et l’objectification, les messages véhiculés par la société valorisent un idéal physique rigide, presque toujours irréaliste, et encouragent à prendre tous les moyens possibles, dont l’entraînement excessif, les régimes stricts et les restrictions alimentaires, pour tenter de l’atteindre. En plus, les hommes disposent rarement d’espaces pour exprimer leur inquiétude, leur malaise ou leur anxiété face à leur corps. Cette vulnérabilité reste taboue, souvent perçue comme incompatible avec la virilité attendue.
Cet article se veut donc un rappel : ces messages sont erronés, et cette pression ne vous appartient pas. Vos corps, et vous-mêmes êtes déjà adéquats, beaux et suffisants comme vous êtes. Il est temps de changer nos algorithmes de réseaux sociaux, nos discours sociaux et nos représentations pour qu’ils deviennent réellement inclusifs, pour tous et toutes. Et cela commence par les conversations que nous avons entre ami·es, y compris celles autour d’Occupation Double.
La Maison l’Éclaircie demeure un lieu où vos inquiétudes sont légitimes, entendues et accueillies. N’hésitez pas à en parler et à demander de l’aide si vous en ressentez le besoin.
Un texte par Julia Topart, bénévole à la Maison l’Éclaircie
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