Une lettre de ton corps à toi

Chère personne qui m’habite,

Je fais de mon mieux.

Et ça me détruit quand tu détestes les pensées qui t’apparaissent. J’effectue simplement mon travail de t’apporter tes connaissances et tes souvenirs le plus rapidement possible. J’extrais ces pensées de ta propre mémoire pour te les raviver. Ce n’est pas moi qui les ai inventées, c’est toi qui me les as apprises.

Ça me détruit quand tu insultes mes capacités. J’ai mes limites, tu sais. Je fais de mon mieux pour te permettre de vivre tout ce que tu dois expérimenter. Je voudrais faire mieux, mais je suis tellement fatigué par tes demandes et ton jugement.

Ça me détruit complètement quand tu choisis délibérément de m’étouffer. Quand tu prends la décision de me restreindre de l’énergie qui m’est nécessaire ou que tu me fais dépasser mes limites. Je n’essaye pourtant que de te donner toutes les chances de t’épanouir, mais tu m’empêches de t’aider.

Ça me détruit de t’entendre me dénigrer ouvertement. Quand tu me causes des larmes parce que ma réflexion dans le miroir ne répond pas à tes standards irréalistes. Quand tu me regardes avec dégoût. Je n’essaye que de t’offrir une vie d’humain. Une vie présente et valorisante où tu peux effectuer chaque mouvement sans devoir te questionner. Une vie où tu m’utilises comme l’outil qui te permettra d’aller si loin dans cet univers, peu importe mon apparence.

Je ne suis que ton corps parmi les milliards sur la planète. Ton portail vers tous tes apprentissages. Vers les gens que tu aimes. Les passions que tu as découvertes. Les scènes de la nature qui t’ont presque donné les larmes aux yeux. Les rires qui t’ont mené à des douleurs au ventre et aux joues. Les saveurs qui ont caressé ta langue. Les différentes chansons qui ont nourrit ton âme. Les exploits et la fierté qui t’ont envahi à quelques reprises. Les câlins des proches à qui tu tiens. La chaleur du soleil sur ton visage lors d’une journée d’été. Tout ça, c’est moi qui te l’offre. Je t’offre la vie, souffle après souffle, et même maltraitance après maltraitance.

Je m’ennuie de ta bienveillance. Tu te rappelles? On était bien partie, toi et moi, quand tu étais enfant. On était les meilleur.e.s partenaires. Toujours prêt.e.s à essayer de nouvelles cascades, de nouvelles activités. Tu me faisais confiance et on avançait ensemble vers ton futur qui nous apparaissait un peu flou, mais si brillant. Je n’avais aucune idée de cet orage qui nous briserait. Malgré ta façon de me traiter, je tiens à m’excuser. Je m’excuse de ce dont j’ai l’air. Je m’excuse de t’empêcher. Je m’excuse de ma façon de fonctionner même si chaque décision est effectuée avec minutie en ta faveur. Je fais tellement de mon mieux, si tu savais… Est-ce qu’on peut revenir à notre relation du début? À une relation où on se respecte l’un et l’autre?

J’aurais tellement aimé être assez pour toi…

Avec toute ma loyauté,

Ton corps.

Un texte par Élisabeth Nolan, intervenante sociale à la Maison l’Éclaircie

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